Je vis pour la batterie, je respire, je mange, je dors et je bois pour ça. Enfin plus pour le rythme, parce qu'à la batterie toute est une question de rythme. C'est difficile d'expliquer pourquoi ? En réalité, c'est juste que j'ai le sang bouillant et frapper sur des trucs qui sortent des sons ça me fait du bien. C'est plus que ça, mais ça serait trop long à expliquer. Quoi qu'il en soit, j'ai toujours eu le rythme dans le sang et l'énergie qui va avec. Aussi malgré les 13 heures de vols, j'ai une patate d'enfer. En attendant ma valise, je ne peux pas m'empêcher de frapper un rythme sur la barrière à laquelle je suis accoudé. Je secoue la tête, sans réellement réaliser ce qui m'attend ici. J'ai été contacté pour faire un entretien pour un poste de batteur dans un groupe. Ce n'est clairement pas ma première fois, j'ai déjà fait partie de plusieurs groupes malgré mon jeune âge.

D'abord celui d'un ami de mon père, j'ai fait ma première scène à 6 ans. C'était pas une grande scène bien sûr, c'est juste des petits concerts dans les bars et les festivals d'été. Pourtant c'est sûrement mes plus beaux souvenirs d'enfance. Non pas que j'ai eu une enfance compliquée, j'étais plutôt le garçon moyen, j'avais même des bons copains avec qui joueaient au basket. Malgré tout, ma passion a toujours été la musique. La preuve en est, j'attends ma valise depuis presque une demie heure, oubliant le temps qui passe à tapoter sur ma barrière.

Je crois que j'embête un peu les gens, car une personne vient m'aborder et me parler en coréen. Elle parle trop vite pour que je comprenne, mais lorsqu'elle me montre ma valise, la dernière sur le tapis, je pouffe de rire. Je m'excuse en coréen, m'inclinant avant d'aller récupérer mon bien. Merde, elle a dû faire trois fois le tour. Après elle, c'est à moi de faire trois fois le tour de l'aéroport pour trouver la sortie. Non, en vrai, j'ai juste repris deux fois un escalator parce que celui-ci m'amenait à un étage où se trouvent exclusivement des boutiques.

Bref une fois sorti, j'ai pris un taxis et à nouveau dans le taxis, je me suis amusé à tapoter sur mes genoux pour éviter de faire du bruit, tout en observant la ville se dessiner devant moi. Je suis jamais venu en Corée du Sud. J'ai fait quelques pays, l'Amérique bien sûr et même l'Europe, mais jamais l'Asie et pourtant ma mère est coréenne. C'est d'ailleurs grâce à elle que je parle un peu coréen. Bon j'ai des bases, mais ça reste compliqué. En tout cas, je m'émerveille comme un gosse face aux avenues qu'on traverse. Bon, c'est vrai que je m'extasie devant tout et rien. En même temps, c'est comme ça que la vie est belle. Au fond tout est beau du moment qu'on pose le bon regard dessus.

Le chauffeur finit par me déposer à mon hôtel, mais je n'y fais pas de vieux os. Après une douche, je suis ressorti, bien décidé à me balader un peu avant d'aller à mon entretien. J'ai aucun matériel pour m'entrainer, mais bon je joue depuis tellement longtemps pour ne pas oublier une partition en trois heures. Alors autant profiter et puis j'ai une faim de loup ! Moi un gros mangeur ?! Peut être bien. Il me tarde de goûter la street food dont m'a tant parlé ma mère avant de partir. Elle m'a aussi dit de faire attention à ne pas manger trop épicé, même si j'ai l'habitude de ces plats, ici ce n'est pas pareil. C'est ce qu'elle m'a dit et en même temps elle me dit tant de choses.

Naïvement, avec juste mon téléphone en poche, je sors et remonte la rue de l'hôtel. Pour deux nuits, j'ai pris un hôtel en hyper centre, aussi je suis rapidement dans des rues touristiques. J'ai pris deux Odeng pour goûter et puis ça m'a fait des baguettes au cas où je sois en manque de batterie. Pour l'instant, j'ai trop de choses à voir et à découvrir pour penser à mon audition ou à la batterie.

Au pire si cette audition ne fonctionne pas, je continuerai à faire des petits boulots et je ferais d'autres auditions. Le dernier groupe que j'ai quitté, a arrêté par manque de moyens. Si j'ai fait partie de mal de bande, jamais un seul n'a connu le succès. En même temps en Amérique c'est délicat, il y a beaucoup de musiciens au chômage et j'en fait partie. Pourtant c'est pas faute d'avoir du talent, enfin je crois. J'ai jamais douté de moi parce que j'ai toujours fait ça par amour et c'est l'essentiel il me semble. J'aime la musique et un jour elle me le rendra j'en suis sûr.

Je suis un peu déphasé à cause du décalage horaire, je suis parti jeudi soir et pourtant ici c'est mercredi matin. Autant dire que j'ai l'impression d'avoir fait une nuit blanche, mais en ayant gagné un jour. Quoi qu'il en soit, je perds la notion du temps et c'est une heure avant le rendez-vous que je réalise que je suis complétement perdu

Fuck !!

Bon ben bien obligé de me secouer les puces, d'appeler un taxis et de compter sur lui pour m'amener à bon port. Heureusement j'arrive pas en retard, ça aurait fait mauvais genre. En entrant je vois que je ne suis pas le seul et rapidement je suis pris en charge et on me donne un numéro. Waou y a tant de monde que ça ! Je ne m'y attendais pas et du coup je me met un peu à stresser. Y va falloir que j'assure quand même, ça à pas l'air d'être de la rigolade ici. Pour une fois, j'ai l'impression que j'ai peut-être la chance de vivre de la musique. Alors si c'est pour dire adieu aux petits boulots, je suis prêt à me donner à fond. Du coup me voilà assis par terre à taper avec les baguettes des Odengs pour pouvoir donner le meilleur de moi-même. .